LaureGervais Journal d'artiste

en-us-Le peintre et la peinture

11/11/2018

Histoires & techniques. 

Trouver une œuvre contemporaine peinte sur toile, dans les foires d'art européennes, relève du défi… et ce depuis une quinzaine d'années. Où sont passés les peintres ? 

Les peintres ont muté. Ils se sont transfigurés en ce début de XXIsiècle. La plus grande concurrente de la peinture est la machine capable de créer un Rembrandt. Cependant, la peinture n'est pas encore morte, Marcel !

C'est un fait, on a tout vu de la peinture. Sa longue histoire de 18 000 ans se déploie des peintures rupestres pariétales à Gerhard Richter, pour être très synthétique et audacieuse. Pardon à tous les peintres du XXe que j'admire et ne nomme pas, comme Per Kirkeby décédé cette année. Faut-il pousser plus loin et nommer peintre cet ordinateur - logiciel qui recrée une toile comme un Rembrandt

G.Richter Retrospective S.M.A.K Gand
G.Richter Retrospective S.M.A.K Gand

La peinture s'est construite et déconstruite maintes fois, à coups de contre-courants, jusqu'à sa décomposition. On y a travaillé le sujet et l'objet, le genre, la destination publique et privée, la forme et le fond, les textures, les  couleurs et les pigments, les huiles et acryliques et autres laques, le support de bois, la toile elle-même déchirée, découpée, cadrée et recadrée, etc. 

Une histoire aussi longue que l'humanité  ! 

On assiste à une mise en abîme de la peinture et du peintre.

DIOR - MONDRIAN
DIOR - MONDRIAN

Au XXIe siècle, la peinture est arrivée à sa complétude. Elle est "muséale". Alors, on la reproduit, on l'imprime sur n'importe quel support, on l'industrialise. De la tasse Van Gogh à la couette Picasso, on s'habille d'œuvres depuis Dior, façon Mondrian. 

La folie et le chaos de la production en masse s'accélère et inonde notre champ visuel d'une multitude d'images d'images de l'image elle-même… Principe devenu un jeu pour le Pop Art.

Le peintre s'est mué en plasticien protéiforme, artiste des images. Il résiste encore...

Le plasticien manufacture. Il maîtrise les techniques artisanales et la technologie, et cherche une nouvelle alchimie quel que soit son style. S'il manipule encore le pinceau, il peut le lâcher pour l'appareil photo et le clavier, la toile pour l'imprimante. Il joue avec les techniques, il mixe, créer des objets et sculptures, des performances, et revient au dessin si ça le chante. Le peintre n'est plus vraiment un peintre, il est l'artiste protéiforme de tout ce qui se donne à voir, même virtuel.

Au sommet ironique de cette peinture du XXIe siècle, on peut donc naturellement trouver la photocopie. S'il veut en garder une trace, le restaurateur-conservateur devra la numériser et éventuellement la réimprimer. (cf. mise en abyme de l'ironie elle-même). 

Et puis, il y a l'acte politique de l'autodestruction du tableau. BANKSY assure l'irreproductibilité de son œuvre et renforce la mutation continue du plasticien des images. 

BANKSY
BANKSY

Les artistes resteront encore la machine, le logiciel et la chaîne de production, tant que l'humain n'aura pas quitté la terre. 

L'utilité de la reproduction de peintures par ordinateur devrait être celle de conserver des oeuvres abîmées par le temps, par devoir de mémoire. Mais je doute de l'utilité de créer "un nouveau Rembrandt" alors que la peinture à proprement parler n'est pas morte. Et, pour conclure : rien n'égale le geste de l'artiste : Per Kirkeby (Danemark); Liliane Tomasko (Irelande) ; Peter Doig (UK), Cecily Brown (UK); David Blatherwick (Canada) Kehinde Wiley (USA);  Julie Mehretu (USA) ...

Cecily Brown
Cecily Brown